L’enfant se questionne sur la mort dès son plus jeune âge. Dans son psychisme, elle a plusieurs visages, avant même les premières discussions et les premières disparitions.
Avant même le premier décès d’un de leurs proches, les enfants ont déjà des idées sur la mort. Celle-ci peuvent varier selon l’âge et les spécificités de la famille, notamment religieuses ou culturelles. Cependant, dans nos sociétés occidentales, on peut repérer certaines constantes dans les représentations infantiles.
À partir de 7 ans, les enfants semblent percevoir la mort globalement de la même façon que les adultes. Ils comprennent qu’il s’agit d’une absence définitive, et d’une sanction inéluctable à chaque existence. Comme le poisson rouge ou les fleurs du jardin, les êtres humains vieillissent et meurent. Cependant, une disparition brutale, accidentelle, ou frappant une personne jeune, mettra à mal cette « théorie naturelle » et provoquera des questions et des angoisses. Pour les plus jeunes, les idées sont moins claires. Le mort est avant tout un personnage inanimé : « Il dort pour toujours », disent certains d’entre eux. Mais cette notion d’éternité ou d’irréversibilité leur est difficile d’accès. Lorsque les enfants jouent aux bonshommes, ils peuvent tuer un des protagonistes, puis se raviser, et le remettre dans la partie en disant « C’est bon, il revit. ». D’ailleurs, quelques jours après l’annonce d’un décès, il n’est pas rare que les petits interrogent leurs parents sur le retour du défunt. Cependant, il ne faut pas s’en inquiéter ni chercher à leur marteler cette dimension « définitive », ils l’intégreront progressivement.
Quel que soit l’âge de l’enfant, la mort est synonyme pour lui d’absence d’interaction, de perte de toutes relations réelles avec le défunt. Ainsi, sans que vous le sachiez, votre enfant a, dès les premiers temps de son existence, fait une expérience partielle de la mort, à travers les innombrables situations de perte qu’il a traversé comme, la perte de sa vie fœtale dans la parfaite matrice maternelle, la perte du sein de la mère à chaque fin de tété ou à plus forte raison au moment du sevrage, la perte temporaire de ses parents au moment du départ pour le travail, ou encore la perte du monde extérieur au moment du coucher...
Bref, depuis sa naissance, votre enfant a déjà supporté bon nombre de ruptures et donc réalisé des deuils pénibles. Certes, la mort d’un être aimé est une chose différente, mais elle n’est pas une situation psychique tout à fait inédite pour lui, et il est donc probablement mieux armé pour y faire face que vous ne le craignez !
Parallèlement à ces représentations concrètes, des visions plus imaginaires coexistent dans le psychisme infantile. Les enfants font souvent part de théories étonnantes concernant la mort. Dans mon cabinet, j’en entends de toutes sortes : les morts qui peuplent le ciel ou les étoiles, les fantômes de la chambre à coucher... Tous ces trésors créatifs sont influencés par leur inconscient et ont une véritable fonction psychique. En effet, l’imaginaire est une arme de l’esprit qui permet de transformer une réalité douloureuse ou angoissante et de jouer avec. Or, le décès d’un proche est forcément une souffrance pour l’enfant et sa famille. Alors, grâce à son imagination, l’enfant va inventer une histoire lui permettant de conserver un peu plus longtemps le défunt à ses côtés, que ce soit sous la forme d’une étoile ou d’un fantôme. Ces théories sont donc à comprendre comme des mécanismes de défenses inconscients de l’enfant contre la brutalité d’une perte.
Les parents me demandent souvent s’ils doivent laisser leur enfant croire à ces histoires fantaisistes. Sachez que s’il ne semble pas angoissé par sa production imaginaire, il convient de la respecter, sans toutefois la renforcer. Progressivement, lorsque son psychisme se sentira prêt, l’enfant abandonnera tout seul ses théories pour faire face à la réalité. Illustrons cette notion par un exemple plus sympathique, celui du Père noël ! Nous avons quasiment tous cru dans un premier temps à son existence. Jusqu’au jour où, pensons nous, un indice nous a mis sur la voie de la vérité : « Un copain m’a dit qu’il n’existait pas ! », « J’ai vu les cadeaux dans l’armoire »... Pourtant, à y regarder de plus prés, la logique la plus élémentaire, ou certaines maladresses parentales, auraient déjà dû éveiller nos soupçons.
Mais, inconsciemment nous ne souhaitions pas encore découvrir la triste réalité. Et ce n’est que lorsque nous n’avons plus eu besoin de croire à l’existence de ce super papi, que notre psychisme a accepté de nous rendre notre perspicacité afin que nous puissions lever le voile sur ce secret de polichinelle.
Comprenez bien que le psychisme infantile est d’une grande richesse, et qu’il tente en permanence de préserver son propriétaire de trop grandes souffrances conscientes. La plupart du temps, il fonctionne très bien, et il faut lui faire confiance. Malheureusement, il arrive que les mécanismes de défenses de l’enfant ne neutralisent pas toutes ses angoisses. Il faut alors tenter de comprendre les conflits psychiques qui l’oppressent, pour trouver les mots qui lui permettront de se dégager de l’impasse dans laquelle il se trouve. Le décès d’un proche, véhicule de nombreux enjeux inconscients puissants qui sont autant de pièges à surmonter.
Pour en savoir plus sur la mort et les enfants, retrouvez nos articles :
"La place de l'enfant aux obsèques" par le Dr.LARRAR.