La place de l’enfant aux obsèques

La place de l’enfant aux obsèques

« Doit‐on emmener notre enfant à l’enterrement ? Lui montrer le corps ? Où est sa place ? » Conseils pour gérer au mieux les obsèques avec ses enfants...


  Je redoute à chaque fois ces interrogations. Sans doute parce que les parents, déboussolés par le drame qui les frappe, attendent de moi des certitudes que je ne suis pas en mesure de leur fournir. Certes beaucoup de psy ont des convictions qu’ils exposent telles des vérités dans les différents médias. Le plus souvent, ils prônent une transparence absolue vis à vis de l’enfant. Ce dernier devrait tout voir, assister à chaque étape du décès avec les adultes. Ou alors, fruit d’une certaine psychologie bien pensante, il faudrait lui demander ce qu’il souhaite faire et suivre son avis.


Dans ces dogmes, le psychisme de l’enfant est confondu avec celui de l’adulte, et le processus de deuil considéré identique chez tout le monde... Mais la médecine n’est pas une affaire de convictions, et le militantisme quel qu’il soit n’y est pas le bienvenu. Les vérités scientifiques sont issues d’études médicales portant sur des centaines de cas. Il faudrait suivre des années en consultation des enfants ayant perdu un proche afin d’observer une différence significative d’évolution entre ceux qui auraient assisté à l’enterrement, et les autres. Je crains malheureusement qu’une telle analyse ne soit pas en notre possession. Les psy ne sont pas des savants omnipotents, ils ont simplement une expérience clinique et des connaissances sur le fonctionnement psychique, qu’ils mettent à la disposition des patients pour les accompagner dans leurs réflexions.

Il s’agit de votre vie, et de vos enfants, les décisions doivent rester vôtre.
J’espère simplement que les lignes suivantes vous aideront dans vos choix. À toutes ces questions sur la place de l’enfant, la seule réponse qui convienne est : « ça dépend ». De quoi ? Des circonstances du décès, de l’âge de l’enfant, de sa capacité à supporter la réalité, de votre état mental dans ces moments, des traditions familiales, de votre intime conviction... Les enfants ont une temporalité psychique particulière, et ils utilisent en permanence leur imaginaire pour atténuer l’impact des événements. Ainsi, confronter votre enfant à des situations crues, comme l’exposition du corps, ou la mise en terre du cercueil, l’oblige à regarder une réalité implacable, mettant à mal certains mécanismes de défense. Difficile de se détacher de l’image impressionnante d’un corps sans vie, pour retrouver dans ses rêveries l’image du proche telle qu’il la connaissait jusque là. Bien qu’il sache consciemment que le défunt est enterré, l’obliger à le voir risque de neutraliser son imagination à propos du paradis ou du ciel.

Il est difficile de trouver l’équilibre entre le respect de ses mécanismes de défense psychiques et la nécessité de le maintenir dans la réalité.
Car bien entendu, il n’est pas souhaitable que l’enfant soit excessivement « protégé » en étant mis à l’écart de tout. Comme nous tous, l’enfant a besoin de voir certaines choses pour les croire et le maintenir dans une réalité absolument identique à celle qu’il vivait avant le décès risquerait de lui donner un sentiment d’étrangeté. En passant à côté de l’événement, il évite transitoirement de faire face à ses émotions, et les remet à plus tard. Or, il lui sera difficile de revenir seul sur ce drame, une fois que le reste de la famille sera passé à autre chose. Il convient donc de l’associer suffisamment à ce que vous vivez. Cela peut‐être, effectivement, en l’emmenant avec vous, ou alors en lui expliquant simplement où les adultes se rendent.


Dans certaines traditions, le décès d’un proche est l’occasion de cérémonies familiales. Les membres de la familles sont présents, unis, et se soutiennent dans la douleur. Souvent, ils se retrouvent chez le défunt pour un repas. Ce moment est généralement apaisant. On discute, on évoque les souvenirs, l’histoire commune, parfois même on rit. Dans ces conditions, il est dans l’intérêt de l’enfant d’y prendre part. Il comprend que la vie continue malgré la tristesse, que les liens avec les autres sont des trésors précieux, notamment dans les périodes douloureuses, et il s’ancre dans sa famille. Les parents sont des filtres nécessaires pour les enfants face aux douleurs de la vie. Plus ils sont jeunes ou sensibles, plus ils ont besoin de votre sérénité et de votre disponibilité psychique pour les aider à digérer la réalité. Ainsi, là encore votre état mental est déterminant. Si vous vous sentez dévasté, incapable de parler, ou d’expliquer quoi que ce soit à votre enfant, il est probablement préférable de lui épargner d’assister seul à un spectacle terrifiant.

En pratique, il semble que pour les plus jeunes, avant 5 ans, la vue du corps n’offre pas d’intérêt majeur et que leur participation à l’enterrement ne doit pas se faire aux premières loges, mais légèrement en retrait, aux côtés du proche le moins abattu
. Par contre, à tout âge les cérémonies religieuses et les réunions familiales sont des moments auxquels les enfants peuvent participer sans risques. Cependant, on peut leur épargner les tout premiers temps, ceux qui suivent le décès, où les adultes, encore sous le choc, ne seraient en mesure de les protéger. Assister aux cris, aux premières larmes, ne leur apportera aucun bénéfice. Donnez‐vous le temps de vous reprendre, et donnez leur le temps de digérer l’information du décès plus sereinement. Reste la question du dernier « au revoir ». Communément, l’enterrement est considéré comme une occasion de saluer une ultime fois le défunt. Ainsi, beaucoup de parents s’inquiètent que le fait de ne pas permettre à l’enfant d’y assister le prive d’un moment important, du « clap » de fin. Mais en réalité, les choses sont beaucoup plus complexes.


En psychothérapie, les adultes évoquent souvent les décès les plus marquants de leur existence. Il n’est pas rare qu’ils ressentent une frustration, un manque, l’impression de ne pas avoir finit leur histoire avec le défunt. Lorsqu’ils le peuvent, ils accusent leurs parents de les avoir tenu à l’écart de certaines étapes comme l’enterrement. S’ils y ont participé, ils cherchent alors d’autres coupables à leurs douloureuses sensations : la fatalité d’un accident ou d’une maladie fulgurante qui leur aurait enlevé trop vite l’être aimé, ou encore le fait de n’avoir pu le saluer une dernière fois de son vivant. Et pourtant, certains patients, qui n’ont à déplorer aucun de ces éléments, expriment eux aussi le regret de n’avoir pu dire un dernier « au revoir », tel qu’il l’aurait souhaité. « J’aurais aimé lui parler de certaines choses, lui poser des questions, et lui dire que je l’aimais... » Ce sentiment d’inachevé est un déplacement psychique du manque que ressentent encore ces patients à l’égard de celui qui les a quittés. La culpabilité de ne pas avoir su profiter d’un proche est difficile à supporter, et il peut être tentant de projeter cette responsabilité sur la mauvaise gestion des derniers moments.

Si le fait d’assister à l’enterrement est sans doute une question importante, la seule chose dont je sois certain, c’est que le deuil dépend surtout de la relation que l’enfant a entretenu avec le proche avant son décès et de la façon dont son absence sera gérée au quotidien.


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