La langue « maternelle » est la langue que les parents partagent dès les origines avec leur enfant. Elle est un lien puissant, chaleureux, rassurant, au même titre que les câlins d’une mère ou les bras fort d’un père.
Ne pas parler à son enfant dans sa langue maternelle c’est le priver de la chaleur des mots chargés d’émotions et d’histoires familiales. Ne pas l’apprendre soi même à son enfant, c’est mettre une barrière, un filtre inutile entre lui et nous. C’est lui refuser un cadeau fondamental, le partage d’une racine et d’une histoire commune. Ces éléments peuvent créer un obstacle invisible à une relation parent-enfant puissante et complète, privant chaque membre de la famille de la totalité de ce lien extraordinaire et unique. Il s’agit peut-être d’une mode, mais de nombreux parents font le choix de parler anglais à leur enfant dès le plus jeune âge à la maison. « L’anglais est indispensable dans la vie professionnelle, je veux lui donner un avantage » argumentent ils.
Cela peut être dangereux à bien des égards, c'est pourquoi je la déconseille sans réserves ! En confiant l’apprentissage de la langue maternelle à des tiers extérieurs à la famille, elle se désincarne, se refroidit, perd son lien intime à l’enfant. Le voilà avec deux langues, au mieux maîtrisées techniquement (il est fréquent que le double langage entraine des difficultés orthophoniques...), mais sans âmes, et sans la possibilité complète de mettre des mots intimes sur ses émotions les plus archaïques. Le langage et le plaisir de la parole se développent pleinement notamment dans le lien parent-enfant. Si celui ci est mis en danger, ou modifié, les conséquences sur le langage et la pensée de l’enfant sont inévitables.
Demandez- vous pourquoi cette expérience vous tente ! La première réponse-réflexe sera certainement « c’est un plus pour lui ». Creusez alors un peu... Est-ce si important l’anglais ? Ne peut- on pas l’apprendre à l’école, ou lors de séjours, de stages, voire de cours particuliers précoces ? Comment expliquer que l’on puisse introduire une étrangeté, un gadget dans notre relation fondamentale et précoce avec notre enfant ? Dans mon expérience de pédopsychiatre, j’ai observé deux grands axes de réponses.
- La projection des angoisses scolaires, des échecs ou des frustrations professionnelles des parents. (« J’en ai souffert, je ne veux pas qu’il vive cela ») Vos enfants sont des êtres uniques et différents de vous, accompagnez les au mieux mais n’en faites pas des clones améliorés, vous brimerez leur singularité et leur personnalité.
- L’angoisse maternelle d’être prise dans une relation trop fusionnelle, trop animale, trop archaïque à son enfant, d’où la solution du « filtre » d’une langue étrangère. Il est difficile d’être mère, et les peurs sont inévitables. Si elles vous envahissent ou qu’elles vous poussent dans des stratagèmes trop singuliers : consultez. L’introspection parentale est la meilleure protection pour le psychisme des enfants !