Nos vies sont émaillées de crises: crise de la quarantaine, crise de la trentaine, crise d’adolescence …
Les crises ont des causes, des conséquences, et parfois même une fonction ! Elles peuvent provenir de coups réels et concrets de la vie comme des pertes de proches, un divorce, un licenciement, une maladie, un échec douloureux ou alors, de questionnements, conflits psychiques, doutes existentielles…
Bien entendu, ces éléments, internes (vie psychique) et externes (événements de vie) sont le plus souvent en interaction. En effet, celui qui vit un drame va souffrir, mais pas nécessairement faire « une crise ». Cette notion est fondamentale pour comprendre ce qu’est une crise. Une crise n’est pas une simple souffrance aussi violente et cruelle soit elle.
Une crise est une douleur psychique qui s’accompagne d’une violente remise en question de soi et de sa vie ! Lorsqu’un évènement de vie déclenche une crise violente, c’est qu’il est le détonateur d’une bombe existante et refoulée, une goutte d’eau qui fait déborder un vase qui se remplit toujours plus qu’il ne se vide... Dans l’après coup d’une crise, avec le « recul » comme on dit, il est fréquent qu’on la juge incontournable. « Ça devait finir par arriver, l’évènement a précipité les choses… » La crise signe la présence de problèmes profonds dans nos vies, qu’il s’agisse de choix, ou de douleurs psychiques refoulées ! J’insiste sur la dimension violente et destructrice de la remise en question de la « crise ».
Encore une fois, il est normal et sain de se poser des questions sur nos vies, surtout après un drame personnel, mais il y a une différence entre se questionner afin de modifier à bonne escient des choses dans notre existence et prendre le contrepied de tout ce qu’on a fait et été jusqu’à présent, ou encore tout détruire…
Prenons l’exemple du divorce. Le divorce génère toujours des douleurs psychiques et des questionnements naturels, mais qui peuvent se transformer en attaques profondes de soi ou de la façon dont on a vécu jusque-là : « Pourquoi ai-je raté mon mariage ? Suis-je un raté ? » « Ai-je mal choisi mon conjoint ? ma vie ? » « Je n’ai pas su protéger mes enfants de cette peine, suis-je un mauvais parent ? »... Beaucoup de pères racontent comme ils ont redécouvert leurs enfants et leur paternité après le divorce. Ils ne se réjouissent pas de l’échec du mariage, mais en encaissant le coup, ils changent certains de leurs fonctionnements et en tirent un réel bénéfice. D’autres parents, malheureusement, se perdent dans leur colère et leur chagrin, et terrassent à coups de reproches, eux-mêmes, l’ex ou l’entourage. Le divorce peut donc déboucher sur une nouvelle vie à laquelle chacun va tenter de s’adapter sainement, ou alors sur une crise violente et destructrice. La destructivité de la crise est le témoin de l’impuissance du psychisme à digérer le coup. Alors, comme un petit enfant frustré, on casse tout, pour se défouler, pour refuser la réalité, pour faire que ce nouveau demain n’existe pas. On refuse la réalité sauvagement et pathétiquement. La comparaison avec l’enfant n’est pas neutre, elle est volontaire. Lorsque nous prenons un coup de la vie, une part de nous « régresse », perd son contrôle adulte, pour laisser l’enfant blessé aux commandes.
En effet, l’enfant s’y connait en crises ! Toute la vie infantile est jalonnée de mini-crises. C’est en réalité un parcours naturel, des étapes de développement, des moments nécessaires d’adaptation. Les crises de l’enfance, comme la période du « non », les refus alimentaires des petits au moment du sevrage et de la diversification, les angoisses du coucher… témoignent en général de l’angoisse de l’enfant devant un changement. Quelque chose change, lui échappe, n’est plus comme avant, et il ne sait pas quoi en faire. C’est une perte de repère et de contrôle, et son « étrange » comportement est en réalité une marque d’opposition, une tentative désespérée de stopper ou au moins freiner l’évolution naturelle des choses. Lorsque la vie familiale est agréable, et que l’enfant va bien, il fera sa « petite crise » quelques semaines et progressivement se calmera car il s’adaptera positivement à sa nouvelle réalité. Le petit qui refuse de manger autre chose que le sein de sa mère ou le biberon, s’oppose au changement, à la perte de cette chaleur affective. Mais s’il gagne des moments de plaisir par le jeu avec ses parents, des regards de fierté pour ses progrès, ou qu’il découvre le délice de nouveaux aliments, alors il acceptera progressivement de quitter son opposition.
La « crise normale » est celle qui permet de s’adapter et d’avancer. La crise devient pathologique si elle bloque l’enfant, l'ado ou l'adulte, de façon durable et abime ses relations aux autres, en clair si un cercle vicieux se met en place. Nos crises ne sont pas de vaines souffrances, et ne doivent pas être réduites à « un mauvais moment à passer ». Il faut les respecter, les comprendre, tenter d’y apporter des réponses saines et durables, et contenir leur destructivité excessive. Elles disent des choses profondes sur nous, notre passé, notre présent et des solutions à trouver pour un bel avenir !
Elles sont les moments idéaux pour une psychothérapie, afin de panser ses maux en pensant ses mots…