Le Trauma, une effraction corps et âme

Le Trauma, une effraction corps et âme

Sur-le-coup car l’évènement a percuté la vie quotidienne à un temps « t » mais arrivé dans un temps « t’ » il poursuit sa course ne laissant aux populations aucun répit. A l’aube du énième jour, le trauma se répète encore faisant éclater le sentiment de sécurité nécessaire à la vie.
Dans un environnement tranquille, l’absence de signe d’organisation d’une attaque imminente et l’absence de sirène d’alarme déclenchée renforcent l’effet de surprise.
L’absence des forces protectrices crée un intense vécu d’abandon. Comment cela est-ce possible ?


Le trauma est une rupture corps et âme


Les traumatismes marquent une rupture : il y a un avant et il y aura un après. Cette épreuve de réalité hors du commun confronte l’individu et le collectif au réel de la mort. Ce réel de la mort est l’impensable de l’évènement, l’irreprésentable.

L’atrocité de cette invasion terroriste réside dans le choix de massacrer les populations civiles surprises dans l’intimité de leurs maisons, de perpétrer des actes de violence inimaginable sur les bébés, les enfants, les adultes et les vieillards, et prendre des otages.
Le trauma est direct pour ce chef de la sécurité du kibboutz qui dormait dans son lit au moment de l’attaque et pour tous ces jeunes massacrés alors qu’ils célébraient l’amour et la paix lors d’une rave-party en plein désert.


La racine du mot trauma (ter) signifie trouer, user. Ce mot utilisé par les médecins de la Renaissance est employé pour qualifier une blessure en forme de trou. Ce trou signe l’effraction par l’évènement avec son trop d’affect : l’appareil psychique individuel et collectif ne peut plus penser.
L’effroi et la sidération traduisent le débordement émotionnel.

Ce qui caractérise en particulier ce traumatisme est qu’il n’est pas contenu dans un espace-temps repérable. Ici le trauma s’étire et se répète. De plus il entre en résonance avec les traumas de l’histoire tels que les pogroms, la Shoah et plus récemment l’attentat du Bataclan...

Les repères d’espace et de temps sont engloutis par le trauma comme dans un trou noir, un abîme qui aspire toutes nos ressources psycho-affectives et intellectuelles. Dans ces circonstances, le psychisme se donne des défenses nécessaires : ce sont des réactions immédiates, d’urgence, pour sauver la vie ici et maintenant.


Le trauma déclenche des réactions d’urgence nécessaires à notre survie


Les réactions de peur, d’angoisse, de culpabilité sont le signe de notre condition humaine cherchant des réponses face à ce trauma. C’est l’expression d’une défense psychique directe qui lutte contre l’invasion traumatique.

Pour certains, le besoin de partager, de communiquer, de pleurer, d’agir frénétiquement apaise. Pour d’autres, c’est le besoin de s’isoler, de ne pas parler dans un premier temps, allant du silence jusqu’au déni, agissant comme si de rien n’était. Toutes ces réponses spécifiques face au trauma sont des défenses réactionnelles, elles peuvent être très différentes d’une personne à une autre et sont au service de la survie.


De l’évènement traumatique au psycho-trauma


L’impact traumatique sur la personnalité peut s’installer en troubles psychiques et relever d’une aide professionnelle spécifique. Des groupes de soutien et de paroles peuvent également être aidant. Les groupes à médiation artistique à visée thérapeutique se sont déjà révélés être des outils thérapeutiques très bénéfiques.

Le travail de symbolisation par la parole et l’expression artistique permet l’élaboration du vécu traumatique. C’est une étape primordiale pour se dégager du trauma : ce travail facilite le passage de l’irreprésentable à l’inacceptable.


Le trauma entraîne l’effondrement de notre sentiment d’appartenance au monde et il en va de notre intégrité morale de le restaurer


Notre regard sur soi, sur l’autre et sur le monde construit notre sentiment d’appartenance au monde. L’horreur traumatique nous plonge dans un sentiment d’insécurité certaine qui ébranle notre sentiment d’être au monde.

Il en va de notre survie de se dégager de ce trauma. Ces réactions intenses visent à relancer la vie psychique et intellectuelle et peut amener à ce dégagement : notre conscience d’être-au-monde nous engage et nous guide vers l’Autre. Cette conscience nous permet de reprendre notre place parmi les autres, de décider de poser des actions réfléchies caritatives au sein de la communauté, retrouver notre droit à aimer la vie.

Ainsi le débordement émotionnel peut être contenu et notre capacité à éprouver un sentiment de sécurité et d’appartenance au monde peut être restaurée.


Résister à la fascination de l’horreur pour se protéger


Ce trauma vécu dans sa chair ou en étant témoin de ces massacres est décuplé par les images de ces actes sanguinaires sur les écrans. Les réseaux se nourrissent de la fascination que provoque l’horreur.

Ici le trauma est indirect : les attaques virtuelles sur les réseaux propagent des images insoutenables à l’échelle internationale. Quelque soit le pays ou la religion, ces images s’infiltrent dans nos maisons et s’incrustent dans nos psychés, au risque d’assiéger nos pensées et nos émotions.

Montrer les images pour y croire donne un dangereux sentiment de contrôle sur ce qui nous arrive. Les diffuser à profusion peut faire croire à la survie d’un lien avec les autres. Ceci est une illusion dangereuse car elle donne un espace sans limite à l’horreur. Diffuser sur l’internet, c’est en fait armer le virtuel contre la vie. Au contraire, survivre, c’est résister à la tentation de libérer ses angoisses sur le réseau, c’est donner une chance à notre libre-arbitre de choisir le bien : se protéger, soi et les autres.

La diffusion des images d’horreur perpétrée par l’ennemi est nécessaire pour réaliser les choses mais ne doit pas être relayée par les civils. Les autorités compétentes ont le droit et le devoir de montrer des images accompagnées des commentaires pour informer et réveiller ceux qui mettraient en doute la réalité de l’horreur perpétrée.


Oeuvrer à l’équilibre entre pulsion de mort et pulsion de vie


Le traumatisme direct ou indirect, vécu dans sa chair et dans son âme, déclenche une réaction défensive immédiate contre le danger de mort. Ses défenses sont au service de la vie et luttent contre le sentiment d’anéantissement.

Israël comme l’individu cherche en lui la force de lutter.
Dans la Bible, le passage du nom de Jacob à Israël parle de celui qui a lutté.
Ce combat actuel est celui de l’humanité. La résistance prend corps dans les défenses psychiques et les actions individuelles et collectives, au moment où chaque parcelle de notre corps devient otage de ces actes barbares.

Du trauma émerge l’ombre la plus sombre mais aussi la lumière. L’être humain résiste en se laissant guider par cette lumière. Malgré les traumas, ces hommes et ces femmes, avec courage et force, restent préoccupés par le souci des autres et donnent leur confiance et leur respect. Résister et lutter permet d’élever notre condition humaine et se dépasser autant par le corps que par l’âme.

Le temps de l’après-coup, des explications, de l’analyse et de la compréhension viendra, même si nous devons accepter de ne pas tout comprendre.
Avec le temps, nos ressources les plus profondes nous permettront de faire face ensemble à une telle tragédie et retrouver le désir pour demain.


 


Photo de Daniel Gregoire sur Unsplash



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